Faire pousser des endives chez soi, même sans jardin !

Pierrick Capelle cultive la racine d'endive sur sa ferme de 100 hectares à Flers dans les Hauts de France, un village dont il est également le Maire ! Une fois récoltés, nettoyés, calibrés et vernalisés, les plants sont ensuite vendus à des endiviers qui s'occuperont de la deuxième étape de la production : la faire devenir cette feuille que nous consommons en salade, en gratin et même à l'apéro !


La brume matinale d'octobre recouvre le paysage ensoleillé, qui alterne entre champs cultivés, coteaux arborés et vallées bocageuses. Fortement marquée par l'histoire, la Vallée de la Somme comporte plusieurs mémoriaux qui rappellent que la région fût le théâtre de combats violents pendant la Première Guerre Mondiale. En face de l'église en briques rouges du petit village de Flers, j'aperçois un ballet de camions qui déchargent leur contenu dans de grands containers. Bienvenue à la Ferme du Plant d'Endive.

« L'endive est une véritable passion pour moi. C'est une des cultures les plus difficiles au monde ! » s'enthousiasme Pierrick Capelle, gérant de la ferme du Plant d'Endive depuis 2004. Une culture complexe et longue puisqu'en deux temps : les racines d'un côté et la pousse de la feuille, de l'autre.

L’endive en tant que telle n’existe pas dans la nature. Elle est le fruit d’une technique de forçage mise au point au milieu du 19e siècle. Issu de la troisième génération présente sur le domaine, Pierrick s'occupe de la première partie de la production, la racine, qui, à ce stade, avec son aspect marron vaguement tuberculé, ne ressemble à rien de ce que nous connaissons. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à m'y tromper : « Mais qu'est ce que tu nous vends ? » demandent souvent interloqués les clients pendant les journées portes ouvertes de la ferme.

24h chrono : la racine d'endive n'attend pas

A cette période de l'année, le temps est compté, puisque c'est la saison de la récolte. « C'est la guerre ! Tout doit aller très vite. Il faut rester rigoureux pour que tout se passe bien » continue en souriant le cultivateur blond aux yeux bleus, avant de courir accueillir le précieux chargement d'un autre camion. Il ne dispose en effet que de 24 heures pour préparer cette plante bisannuelle de la famille des Astéracées. Avant d'arriver sous cette forme, dans les machines qui les secouent pour les nettoyer puis les déversent dans des grands bacs, les graines d'endives sont plantées en mai. « S'il fait encore froid, on peut les entourer d'une petite robe de chambre pour les réchauffer » continue Pierrick, intarissable sur la question du chicon.
Avant la récolte de l'automne, l'agriculteur va effectuer des prélèvements dans ses champs pour voir si les racines sont mures. Une fois ramassés, les plants sont d'abord nettoyés puis calibrés. Ils sont ensuite vernalisés, c'est à dire disposés dans des caisse dans le noir et au froid pendant quelques semaines pour stopper la pousse du bourgeon, qui est alors caché et protégé dans les feuilles.

Petite racine deviendra feuille

La deuxième partie de la culture c'est le forçage : les plants sont envoyés à des maraîchers endiviers qui les feront pousser dans le noir mais à température d'environ 19 degrés cette fois. Cette étape décisive donne ses belles feuilles blanches à la chicorée et nécessite; en effet, une obscurité totale. Au bout de trois semaines, les bourgeons auront poussé et seront devenus l'endive que nous mangeons en gratin, en salade ou encore braisées. Pierrick exporte aussi sa production en Belgique, en Espagne, et même en Tunisie.
Il existe plusieurs variétés d'endives : la darling, la précoce, qui sort de terre la première, puis l'intermédiaire, la Topscore, et la Flexine, plus tardive à la récolte.

Un kit Bienvenue à la ferme pour "forcer" ses propres endives à la maison

Pierrick a développé des kits à endives Bienvenue à la ferme, uniques dans son corps de métier. Sorte de boite en carton en 2 parties, le kit permet de faire pousser à la maison des endives prêtes à être dégustées. Les racines sont mises dans de la terre dans la partie basse du dispositif, qui est refermée par le couvercle. Au bout de trois semaines, au chaud et dans le noir, abondamment arrosées, les feuilles sortent. « Je fais des animations dans les écoles avec ce kit, j'apprends aux enfants à faire pousser des endives, et aussi à les cuisiner ! » me dit Pierrick. C'est en 2015 qu'il adhère à Bienvenue à la Ferme, réseau dont il a toujours voulu faire partie. « Je trouve ce groupe extraordinaire et très dynamique. Pour une fois que l'on peut montrer de manière positive son métier, l'expliquer avec fierté aux gens ! » continue-t-il, avant de monter au sommet d'une benne de plants déversés là par Olivier, son bras droit. « Olivier travaille ici depuis 30 ans ; il m'a tout appris du métier ; lui et mon père, qui m'a transmis sa passion sans me l'imposer » confesse-t-il, ému. « Mon métier est magique. L'endive, c'est la tomate de l'hiver ! » continue Pierrick, une fois redescendu du camion. Sa recette préférée ? « Tout simplement de tremper une feuille dans du caramel, l'amertume de l'une s'allie au sucré de l'autre, et c'est délicieux. Sinon, une salade d'endives d'automne, avec des belles pommes des copains de Bienvenue à la Ferme, du roquefort, des noix, le tout arrosé d'un bon verre de vin. En plus, c'est plein d'oligo-éléments ! » me répond-il.

« Plus tard, ce que je souhaite vraiment, c'est passer à la deuxième étape de la production et de devenir endivier, comme mon père. En attendant, je vous laisse, j'y retourne ! » conclue-t-il, avant que je reparte à Paris, puisque la ferme du plant d'endive était la quinzième et dernière étape de mon tour de France Bienvenue à la Ferme.

Un reportage de Constance Decorde