Le « vitipastoralisme » au Domaine Les Cascades

Le domaine des Cascades, à Ribaute dans les Corbières, est un vignoble biologique en permaculture, sis sur un terrain de 10 hectares. Laurent et Sylvie, vignerons et œnologues, y proposent vin rouge, blanc et rosé, mais aussi bières, huile d'olive, safran et truffes, que l'on peut déguster le soir venu à la table d'hôtes.

En sortant de l'autoroute vers Narbonne, la route traverse le massif des Corbières, chaos de monts hérissés aux pentes rocailleuses, véritable transition entre Massif central et Pyrénées. Je traverse des petits villages aux maisons médiévale avec leur place centrale, leur église, leur café, et j'arrive à Ribaute, bourgade perchée en haut de la rivière Orbieu et de ses fameuses cascades qui ont d'ailleurs donné le nom au domaine viticole.
Si les cépages du domaine des Cascades à Ribaute sont typiques de la région des Corbières: syrah, grenache, carignan, mourvèdre, alicante et petit verdot pour les rouges ; marsanne, vermentino, muscat petit grains et rousonne pour les blancs ; ce qui l'est moins, c'est l'attention portée au monde du vivant à chaque étape de la fabrication du vin. « Les éco-gestes, c'est le principe de notre vie ! » me confirme Sylvie, 47 ans, vigneronne et co-gérante. « On ne gaspille rien, on ne jette rien ; on utilise même les cartons et les bouchons des bouteilles pour faire du paillis, qui garde l'humidité et favorise la vie du sol ». Dans ces vignes bio et enpermaculture (qui représentent 17% des AOC corbières), trois ânes et deux moutons qui s'occupent de l'entretien d'octobre à avril. « Ce sont des Racka, une race protégée. Ces deux-là, ils s'appellent Yquem et Syrah » précise Laurent, vigneron et œnologue et co-gérant, tout en ouvrant la barrière aux deux animaux blancs aux poils hirsutes, qui partent en galopant entre les ceps. « Ce sont les enfants de Romane et Conti, qu'on nous a volés. Et qui étaient eux mêmes les enfants de Petrus, notre premier bélier qu'on a élevé au biberon. Il nous suivait partout. On l'a même emmené faire une séance photo en studio ! » rie-t-il. C'est qu'ici, tout n'est que calme et harmonie avec la nature. Preuve en est avec les nichoirs à chauve-souris installés près des vignes, « pour qu'elles mangent les papillons, qui pondent des vers de la grappe nocifs pour le raisin ». Et les plantes que le couple de vignerons fait pousser dans leur potager, pour traiter (la vigne)
sans phytosanitaires : du purin d'orties pour réguler l'azote et le fer contenus dans la terre, de la consoude pour son pouvoir fertilisant et enfin de la tanaisie, un insecticide naturel. Les vendanges ? À la main ! Avec des saisonniers et des copains de passage, qui restent souvent plusieurs jours pour déguster le vin et profiter des bons petits plats faits maison.

Les Corbières ou rien 

Le couple suit de très près toutes les étapes de vinification : mesurer la densité pour contrôler la fermentation, piger deux fois par jour le raisin, avant le pressurage et la mise en cuve ou en barrique, pendant trois mois pour l'entrée de gamme, le cascade blanc et rosé, et jusqu'à trois ans pour la cuvée L, du prénom du propriétaire. Le domaine produit entre 150 et 200 hectolitres par an principalement vendus à des particuliers dans le magasin de la ferme, mais aussi à des cavistes, des restaurateurs et pendant les foires. Sylvie et Laurent brassent aussi leur propre bière bio, à raison de 50 hectolitres par an, avec le houblon du potager, qui regorge aussi d'autres légumes : tomates, safran, poivrons, poivre du sichuan, chouchoux. « Mes parents avaient une résidence secondaire ici, je venais tous les ans. J'ai toujours adoré ce terroir » me raconte Sylvie, pendant qu'elle prépare une de ses recettes, les œufs flottés au safran. « D'ailleurs, après notre rencontre pendant nos études, et au moment de choisir un lieu pour s'installer, je n'ai pas eu le choix : c'était ici ou rien ! » complète en riant Laurent, qui cuisine quant à lui le plat principal, un « cuit au mar » : du saucisson cru, du petit salé et de la rouelle de porc qui marinent plusieurs heures dans du vin. « Il faut dire que la région était très dynamique, et qu'on ne se voyait pas dans le beaujolais, dont je suis pourtant originaire » conclue-t-il avant de me servir une verre de leur cuvée M, un blanc de noir de 2019. C'est donc en 2009 qu'ils achètent le bâti, et après un an de travaux intensifs, ils ouvrent la cave en 2010, puis un gite et une chambre d'hôte située dans leur propre maison en 2011. Leur adhésion à BAF en 2011 leur a permis de mieux se faire connaître, mais aussi d'encore plus partager leur passion. Ils sont très souvent complets, et accueillent les hôtes pour le diner, après, bien sûr, un passage à la cave. « On a toujours adoré cuisiner tous les deux. Et les commentaires très positifs nous ont encouragé à continuer ». « En fait, ce que vous faites, ça s'appelle du vitipastoralisme » leur apprend Gabrielle, apprentie en licence pro chez eux à mi temps, qui loge chez un ami du couple dans le village et nous a rejoint pour le diner. Du vitipastoralisme saupoudré d'une bonne dose de zen et d'harmonie.

Un reportage de Constance Decorde