Les hortillonnages, fleurons du patrimoine agricole picard

Il existe au coeur de la Picardie une zone humide qui brille par l’excellence et l’originalité d'un mode de culture ancestral : les hortillonnages. Les fruits, légumes et fleurs issus du travail des hortillons et hortillonnes sont les ambassadeurs d’un patrimoine bien vivant.

Tout visiteur de passage à Amiens et dans ses environs s’est sans doute déjà interrogé sur les panneaux routiers qui indiquent « hortillonnages ». S’il a la curiosité de les suivre, le visiteur découvrira des jardins et des cultures maraichères au bord de l’eau, garantes d’une tradition séculaire. Les hortillonnages couvrent environ 300 hectares et portent témoignage d’un mode de production spécifique à la région amiénoise qui consiste à cultiver de petites parcelles dans les marais, en utilisant la vase comme fertilisant. Traditionnellement, ce travail s’effectuait en barque le long de petits canaux appelés des rieux. Ce savoir-faire s’illustre particulièrement en juin, lors d’une manifestation populaire où les hortillons habillés à la mode d’antan descendent la Somme aux commandes d’une vingtaine de barques à fond plat, chargées de leurs bons et beaux produits. Mais c’est toute l’année que l’on peut découvrir cette zone humide originale où se perpétuent des techniques vieilles de plusieurs siècles.

Le goût unique de techniques séculaires

Si le nombre d’exploitations a baissé depuis l’ère industrielle, aujourd’hui encore une douzaine d’hortillons cultivent ces terrains en « plain-pied », c’est-à-dire en y accédant depuis la terre ferme. Et dans deux exploitations, c’est toujours la barque à cornet qui est utilisée pour se rendre sur les parcelles cultivées. « C’est une façon de faire vivre ce patrimoine, et puis de toute façon on ne pourrait pas y accéder autrement » explique l’hortillonne Thérèse Nowak, qui travaille depuis 45 ans avec son mari René dans les hortillonnages à Rivery. Elle y fait pousser des radis, des courgettes, des carottes ou encore des concombres au gré des saisons, comme ses parents avant elle.

Les légumes qui poussent dans la terre fertile des hortillonnages ont un goût bien spécifique, assure la maraichère. « On n’utilise pas d’engrais, précise-t-elle, c’est la vase qui sert à nourrir le terrain. Nos clients, au marché sur l’eau d’Amiens, nous disent qu’ainsi ils sentent bien le goût du légume, tout frais, et que ça leur donne une saveur différente des légumes de la terre de champ ». Les carottes produites dans ces terres, notamment, sont particulièrement appréciées. « Les gens apprécient leur goût sucré et leur belle couleur orange éclatante, sourit Thérèse Nowak. Il suffit par exemple de les rapper pour bien profiter de leur goût. Et même le jus qu’il reste après avoir mangé les carottes est délicieux, me disent les clients ». Fiers des traditions de leur région, les époux Nowak gèrent aussi le musée des hortillonnages, qu’ils ont créé en 2017.

La relève d’un savoir-faire

Tout le travail de cette hortillonne est une déclaration d’amour au terroir de son pays, dont elle défend à la fois le parler, le patrimoine et les techniques agricoles. C’est donc tout naturellement que les jeunes maraichers qui s’installent dans les marais viennent à elle pour apprendre ses secrets. « Cela me réjouit que des jeunes viennent travailler ici, assure-t-elle. Certains quittent un travail de bureau pour s’installer en bio dans les hortillonnages. C’est bien que les traditions se maintiennent et se transmettent aux nouvelles générations ». L’implication de Thérèse Nowak dans la transmission des savoir-faire agricoles de la capitale picarde a reçu en 2019 une belle consécration : « On m’a décerné la médaille du mérite agricole cette année-là, explique la maraichère. Ça m’a émue, c’est une reconnaissance de décennies de travail ».

Crédit photo : Chez Thérèse et René aux hortillonnages