Annick : d’infirmière à productrice de fromages de chèvres

Annick Camus, 42 ans, est éleveuse caprine depuis 2018, à Auberive dans la Marne. La traite quotidienne des ses 40 chèvres lui permet de fabriquer 75 crottins par jour, qu'elle vend en direct aux consommateurs ravis. 

Des champs de céréales à perte de vue. Un paysage surélevé par les Monts de Champagne. Sur la nationale, je croise un cimetière militaire allemand de la Première Guerre mondiale. Plus loin se dresse une grande demeure dont les couleurs chatoyantes, brique et ocre, et le nom tranchent avec le lieu historique voisin : Bienvenue à la Ferme de l'Espérance.

Annick, 42 ans, sourire au coin des lèvres et de l'énergie à revendre, s'est reconvertie à l'élevage caprin sur le tard. « Avant, j'étais infirmière. Mais je voulais arrêter la route et être plus autonome ». C'est en 2018, et avec tout d'abord une vingtaine de chèvres gestantes, qu'elle s'installe ici, sur la  ferme familiale champenoise de polyculture où Nicolas, son mari, exerce depuis toujours. Le déclencheur ? Le Festival musical de la poule des champs ! Un événement qui a lieu tous les ans sur la commune. « L'organisation m'a prévenue qu'un bout du champ dédié était inutilisé : il fallait donc y mettre des bêtes. » « Au début, j'ai hésité. Je pensais aux autruches, mais c'est plus compliqué, il n'y a qu'un seul abattoir en France. » Ce sera donc les chèvres. Après un bac CGEA (Conduite et gestion de l'entreprise agricole) option élevage passé par correspondance, et plusieurs stages sur le terrain, elle fait construire un bâtiment adapté pour ses chèvres : espace de repos, séparé en deux entre les  chevreaux et les adultes, chemin balisé jusqu’aux mangeoires, la traite et la collecte du lait jusqu'à la citerne. Un laboratoire complète le dispositif, où Annick confectionne ses lactiques, fromages frais, demi-secs  et secs, enrobés aux épices, affinés, cendrés, yaourts et faisselles.  

« J'achète mes produits ici parce que c'est le meilleur, tout simplement »

« Les premiers mois, rien n'était prêt. Je n'arrivais pas à fabriquer de fromage. J'ai dû me faire la main » Désormais, et grâce à de la vente directe à la ferme, elle écoule ses 75 crottins issus de la collecte de lait quotidienne. « Laisser les gens rentrer ici, c'est toujours ce qu'on a voulu. Les retours sont directs, ça permet d'améliorer ses produits en temps réel ! ». Produits fermiers de qualité, accueil personnalisé et professionnel dans un environnement soigné, agriculture responsable... Son adhésion, il y a un an, aux valeurs et au réseau Bienvenue à la ferme coulait donc de source. Ouvrir les portes permet aux consommateurs de mieux connaître ce milieu, au-delà des idées toutes faites et des clichés sur le monde fermier. La preuve en quelques mots : « J'achète mes produits ici parce que c'est le meilleur, tout simplement » nous dit Chantal, une cliente, toute de rouge vêtue, qui repart, ravie, avec ses 4 crottins frais. « Je viens depuis le début ! On voit les produits, les animaux, on sait que c'est frais et bon. » ajoute une autre cliente Aubérivoise, accompagnée par sa  sœur venue de Suisse. 

Sur son changement de carrière, Annick est formelle. « Je n'ai aucun regrets. Même si tout ne se passe pas toujours comme prévu et que je travaille plus qu'avant. » conclue Annick, pendant que les chèvres rentrent du pré et se précipitent vers leurs places attitrées aux mangeoires pour la traite du soir. L'éleveuse installe la trayeuse sur leurs pis gonflés, alors que son fils, Raphael, 2 ans, leur donne du rab de maïs, le tout agrémenté de moult caresses.
 

Un reportage de Constance Decorde